Laïcs Missionnaries Comboniens

Paroisse missionnaire et ministérielle

P Fernando MCCJ

« De sa nature l’Église durant son pèlerinage sur la terre errante est missionnaire » (AG 2 ; cf. Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 15-20), mais elle est aussi par nature ministérielle (cf. Rm 12, 4-8). La ministérialité et la mission sont profondément unies car la mission est concrétisée et réalisée à travers la diversité des ministères. Un ministère est un service pour le bien commun ou pour le développement de la mission de l’Église. On peut donc dire que l’Église est missionnaire parce qu’elle est essentiellement ministérielle, une servante. Dans le contexte de l’année de la ministérialité que nous vivons dans l’Institut, nous nous concentrerons dans cet article en particulier sur l’aspect ministériel et charismatique de la mission évangélisatrice de l’Église dans la paroisse.

P Fernando MCCJ

À la lumière du Concile Vatican II, nous savons que tout baptisé est appelé à être un évangélisateur parce qu’il participe aux trois fonctions ministérielles du Christ, Prêtre, Prophète et Roi, et en partage la mission (cf. LG 30-38). Les ministères, tout d’abord, peuvent être classés en deux grands groupes : les ministères laïcs et les ministères de l’ordre sacerdotal. Si l’on part d’une vision hiérarchique de l’Église et d’une vision cléricale du ministère pastoral, les ministères laïcs sont étouffés ou réduits à des services de soutien au prêtre et à sa mission. Par conséquent, les agents pastoraux deviennent de simples collaborateurs, des aides, des “enfants de chœur” ou, comme cela s’est produit dans de nombreuses missions, des “enfants de mission”, même s’ils sont adultes. Il y a aussi des prêtres qui consacrent une grande partie de leur temps à des activités propres aux Frères ou à d’autres ministères laïcs, ce qui laisse peu de temps pour les ministères propres à leur sacerdoce.

Une autre pratique très répandue consiste à diviser la paroisse en zones pastorales, chacune étant confiée à un prêtre. Chacun organise et administre son territoire, sa pastorale, son équipe, ses projets, ses gens, sa mission, son argent. Cette zone devient une zone de sa propriété, où les autres missionnaires ne peuvent pas intervenir et sur laquelle, parfois, ils ne peuvent même pas exprimer une opinion. Chacun doit respecter le territoire de l’autre. Le 18ème Chapitre général et la Evangelii Gaudium du Pape François nous exhortent à entrer dans un processus de conversion, à passer des modèles cléricaux et hiérarchiques de la mission et du travail pastoral à des modèles basés sur les ministères suscités par l’Esprit Saint, à vivre l’esprit du Concile Vatican II. En vertu du baptême, nous sommes tous égaux : disciples de Jésus mais avec des vocations et des dons différents (cf. LG 30). En utilisant l’expression créée par les évêques d’Amérique latine à Aparecida et utilisée par le pape François, nous affirmons que nous sommes tous des disciples missionnaires de Jésus-Christ (cf. EG 119-121.130-131, Aparecida 184-224).

Il est important de souligner que le baptisé est, avant tout, un disciple de Jésus-Christ et que la rencontre avec Jésus le transforme en missionnaire. Ce Jésus qui l’a fasciné, l’envoie pour évangéliser. « Chaque chrétien et chaque communauté discernera quel chemin le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de notre propre confort et avoir le courage d’atteindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile » (EG 20). Chaque disciple missionnaire devrait faire sienne la passion de Paul pour la mission et s’exclamer : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! » (1 Cor 9, 16). Evangéliser n’est pas seulement un devoir, mais c’est avant tout un droit pour tout disciple missionnaire de Jésus-Christ.

Aujourd’hui, il est fondamental de croître dans la pluralité et la diversité ministérielles. Les ministères ordonnés et laïcs sont des dons de l’Esprit Saint, donnés précisément pour qu’ils soient complémentaires en vue d’un but commun : « Il y a diversité de charismes, mais un seul est l’Esprit ; il y a diversité de ministères, mais un seul est le Seigneur ; il y a diversité d’opérations, mais un seul est Dieu, qui opère tout en tous. Et à chacun est donnée une manifestation particulière de l’Esprit pour le bien commun » (1 Co 12, 4-7). La mission aujourd’hui nécessite des modèles pastoraux ministériels. Une paroisse ministérielle missionnaire est dynamique car, à l’écoute de l’Esprit Saint et à la lecture des signes des temps, elle découvre, conçoit, crée et développe de nouveaux ministères et stratégies pastorales.

Je propose ci-dessous deux modèles pastoraux basés sur des ministères, déjà en activité dans différentes parties du monde.

Je ne fais pas mention des ministères ordonnés parce qu’ils sont inhérents à la vocation sacerdotale, mais je mets l’accent sur les ministères laïcs.

  • Dans certaines communautés ecclésiales de base. 1. En relation avec la Parole de Dieu : animateur biblique pour coordonner la réflexion biblique dans les petites communautés. 2. En ce qui concerne la formation de la communauté : des catéchistes pour la préparation aux sacrements et pour l’accompagnement même après le sacrement. 3. En relation avec les célébrations liturgiques : ministres de l’accueil, chanteurs, lecteurs, acolytes, ministres extraordinaires de l’Eucharistie. 4. En ce qui concerne la solidarité sociale : formateurs de la conscience politique et des droits de l’homme, ministère de la charité et de la solidarité avec les nécessiteux, ministère de l’organisation et de la mobilisation communautaires.
  • Organisation selon la pastorale. Certaines paroisses intègrent la diversité des ministères dans trois types de pastorale : prophétique, liturgique et sociale. Le ministère prophétique : des catéchistes pour la formation de base aux sacrements, des formateurs pour la formation continue de tous ceux qui exercent un ministère, des coordinateurs pour accompagner les différents groupes paroissiaux, une école de pastorale et une publication périodique pour la formation de tous les responsables et de la communauté paroissiale. 2. La pastorale liturgique : ministres de l’accueil, chorales, chanteurs, proclamateurs de la Parole, acolytes, ministres extraordinaires de l’Eucharistie, coordinateurs de groupes liturgiques, acteurs de la représentation de l’Evangile lors des messes pour les enfants 3. Pastorale sociale : ministres de la solidarité et de la charité, visiteurs des malades, formateurs de la conscience sociale, sur les droits de l’homme et la doctrine sociale de l’Église, hospitalité.

Pour qu’une paroisse organisée sur le plan ministériel fonctionne bien, il est fondamental de pouvoir compter sur un conseil paroissial qui comprend les responsables des ministères ordonnés et laïcs, afin qu’en communion, ils puissent accompagner le processus d’évangélisation, discerner les signes des temps pour comprendre quelles options pastorales doivent être appropriées au contexte et aux temps actuels et quels ministères sont nécessaires pour réaliser le travail missionnaire. Il est également important de compter sur une spiritualité qui aide tous les évangélisateurs à mieux connaître et aimer leur vocation de disciples missionnaires de Jésus-Christ.
P. Fernando Mal GatKuoth

Fr. Alberto Parise: «Quelle méthodologie pour l’Église ministérielle?»

Alberto Parise
Alberto Parise

Dans le nombre réflexions et approfondissements que nous proposons en cette année consacrée à la ministérialité, une suggestion ne peut pas manquer sur la question méthodologique. Dans Evangelii gaudium (EG 24), le pape François illustre par cinq verbes les éléments saillants de l’action ministérielle : prendre l’initiative, s’engager, accompagner, porter du fruit, célébrer. Mais d’un point de vue pratique, comment tout cela peut-il être mis en pratique de manière organique et systématique ? Dans cette réflexion, nous suggérons que la méthodologie du cycle pastoral est un héritage ecclésial qui a beaucoup à offrir à cet égard.

Le cycle pastoral

Le cycle pastoral est une évolution de la méthode de la « révision de vie » développée par Joseph Cardijn dans les années 1920, également appelée « voir – juger – agir ». Le prêtre belge, issu d’une formation sociopolitique, avait développé cette approche dans le cadre de son ministère auprès du mouvement chrétien de la jeunesse ouvrière, pour accompagner les jeunes dans des milieux où l’orientation socialiste et communiste proliférait, avec des préjugés anticléricaux. Il avait en effet pressenti la nécessité d’une méthode adaptée à la pastorale d’une Église ‘en sortie’.

La grande intuition de Cardijn a été de lier les sciences sociales et le ministère pastoral dans un processus intégré. Au fil du temps, cette méthodologie s’est répandue dans le monde catholique, jusqu’à ce qu’elle soit officiellement reconnue dans l’encyclique Mater et magistra (1961) comme la méthodologie de la pastorale sociale (n° 217 dans la version italienne de l’encyclique – curieusement reprise au n° 236 dans la version anglaise du texte). Plus tard, elle a trouvé sa fortune en Amérique latine, grâce au mouvement de la théologie de la libération, et a continué à se répandre dans différents contextes, s’adaptant à des lieux et des époques particuliers. Ainsi, cette méthodologie est aujourd’hui connue sous différents noms (cercle pastoral, ou cycle, ou spirale, etc.) et s’articule en quatre, cinq ou même six phases, mais il s’agit fondamentalement de la même méthode. Le schéma de base reste celui de voir – juger – agir. Mais un premier moment d’insertion est ajouté, une étape fondamentale pour une approche ministérielle. Viennent ensuite l’analyse socioculturelle (voir), qui fait appel aux sciences humaines et sociales, et la réflexion théologique (juger), dans laquelle on est confronté à l’Évangile et à la tradition sociale de l’Église. La phase d’action peut donc être formellement articulée en plusieurs étapes pour souligner l’importance de certains aspects souvent oubliés ou négligés, tels que la vérification et la célébration.

L’actualité du cycle pastoral : la force de l’insertion

Aujourd’hui, il est clair que la valeur de cette méthodologie est inestimable non seulement pour la pastorale sociale, mais aussi pour toute initiative ministérielle. Tout d’abord parce que l’accompagnement pastoral exige que nous développions des relations vivifiantes, que nous voyions l’expérience humaine, les situations et les problèmes des gens de leur point de vue, avec empathie. Avant tout, il est fondamental de savoir saisir le point de départ d’un accompagnement qui conduit à la régénération des personnes et des communautés, qui est généralement liée à leur expérience, à la motivation et à l’énergie émotionnelle qu’elle peut générer, et à la criticité de la situation. C’est grâce à l’insertion qu’un agent pastoral est capable de saisir tout cela, de prendre l’initiative, d’aller vers les périphéries humaines et existentielles et de s’impliquer. Du point de vue combonien, l’insertion est une caractéristique charismatique (cf. Ratio missionis), dans laquelle ‘faire cause commune’ est exprimée et l’heure de Dieu est saisie dans le contexte dans lequel le ministère est exercé, surtout dans les situations de crise.

Une analyse socioculturelle qui éveille l’espoir

Ici se greffe l’accompagnement pastoral, sur la ligne de faire des personnes les protagonistes de leur propre parcours, en dépassant le paternalisme et les situations de dépendance (cf. la régénération de l’Afrique avec l’Afrique). Il s’agit de marcher avec les gens vers une régénération dans le Ressuscité, un chemin de transformation qui naît des situations particulières dans lesquelles on se trouve. Des situations qui doivent être comprises non seulement au niveau des symptômes, mais aussi des causes profondes des problèmes. Lorsqu’une communauté, un groupe humain ne perçoit pas clairement les causes de son état de malaise ou de pauvreté, il n’est pas en mesure de l’influencer de manière significative et a tendance à se décourager, à se résigner, à se replier sur lui-même afin de retrouver son propre espace de contrôle dans sa vie. De plus, il permet de trop grandes simplifications, des lectures trompeuses de la réalité, un outil utilisé aujourd’hui pour manipuler les gens dans une logique de domination. Mais quand on comprend de façon critique sa propre condition et le contexte mondial, l’espoir renaît et on retrouve le pouvoir de changer les choses.

La réflexion théologique : la clé de la transformation

La phase d’analyse permet également de faire ressortir ses propres contradictions et dilemmes, ce qui offre un excellent point de départ pour une réflexion sur l’expérience, en termes de foi, qui complète le discernement. C’est la réflexion théologique qui caractérise le cycle pastoral et qui aboutit à la décision d’entreprendre une action. C’est vraiment le tournant sur le chemin de la régénération dans le Ressuscité, un don de la grâce. Et c’est aussi le lieu où se déroule le dialogue entre l’expérience, le vécu des personnes et les perspectives de sens qui les guident, qui interprètent les événements et les situations : un dialogue entre des valeurs culturelles, une vision du cosmos et l’Évangile, ou encore un processus qui offre les conditions d’une incarnation de l’Évangile. C’est un moment propice à la conversion du cœur, à la prise de conscience d’une rencontre authentique avec le Ressuscité, découvrant ainsi aussi une vocation à répondre à la situation sur laquelle on a réfléchi. Comme il ressort également du Plan de Comboni (S 2742), cette réflexion nous amène à regarder la réalité avec les yeux de la foi et à répondre aux invitations de l’Esprit avec détermination, du concret et prophétie

Le style d’action collaboratif

Enfin, la phase d’action est très articulée. Elle nécessite généralement une planification et parfois il faut aussi du temps et de l’énergie pour s’équiper afin d’acquérir ou de développer les compétences nécessaires. L’accompagnement ministériel exige en effet de faciliter une formation et une organisation continues des groupes et des communautés avec lesquels on partage le chemin, d’autant plus efficace que l’on est impliqué, à partir d’une même programmation. Cela devrait inclure des mécanismes de contrôle et de vérification, qui sont autrement facilement oubliés ou ignorés.

L’approche ministérielle est basée sur la collaboration des équipes pastorales, sur la synodalité, le travail en réseau et un style de service, le tout dans un processus partagé. Il est clair que tout cela ne s’improvise pas, il faut une organisation et des attitudes d’ouverture, d’humilité et de confiance. Il ne suffit pas d’agir, mais il est également nécessaire de réfléchir ensemble à ce que l’on fait, à la manière dont on le fait, aux résultats de l’action, à ce que l’on apprend, et surtout à la présence et à l’action de Dieu tout au long du chemin. C’est au moment de la célébration que tout cela émerge, s’approfondit, s’enrichit d’une nouvelle conscience, de nouveaux dons, d’une inspiration renouvelée, ainsi que de la possibilité de régénérer les relations et de construire la communion. Nous célébrons ainsi la vie donnée et reçue en cours de route, ce qui ne signifie pas tant “célébrer les succès” que reconnaître que « les œuvres de Dieu naissent au pied de la croix ». D’où l’impulsion pour inaugurer un nouveau cycle ministériel.

En conclusion, deux considérations s’imposent : premièrement, le fait que le cycle pastoral, en tant que méthodologie ministérielle, exige des compétences qui doivent être acquises et développées. Non pas que tout le monde doive tout savoir, mais dans le cadre d’une équipe ministérielle, il est bon de pouvoir maîtriser un ensemble d’outils articulés, une sorte de “boîte à outils”. Et puis nous devons nous demander comment nous pouvons faciliter l’acquisition de ces compétences tant dans la formation de base que dans la mission, dans un contexte de formation continue qui tient compte de la spécificité des situations et des besoins.

Fr. Alberto Parise mccj

Message à l’occasion de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus

SC

Être formé, c’est être configuré au Cœur de Jésus Bon Pasteur

SC

« Quel est ton nom ?… Va dans ta maison, auprès des tiens, et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Marc 5, 9ss).

« Dans le mystère du Cœur du Christ, le Combonien contemple, dans leur expression la plus complète, les attitudes intérieures du Christ et il les assume : sa donation inconditionnelle au Père, l’universalité de son amour pour le monde et sa participation à la souffrance et à la pauvreté des hommes » (RV 3.2).

« La formation doit œuvrer en priorité sur les motivations intérieures et elle doit éduquer à affronter avec créativité, compétence et flexibilité les défis qui émergent des nouvelles situations » (Ratio Fundamentalis 113).

Chers frères bien-aimés,

En communion avec toute l’humanité, nous célébrons cette année la solennité du Sacré-Cœur de Jésus dans un contexte particulier marqué par la pandémie COVID-19 qui continue de causer tant de tragédies et tant de douleurs dans le monde entier. Avec confiance en Dieu, nous invitons tout l’Institut à contempler le Cœur de Jésus en ouvrant nos cœurs au mystère de son amour afin que ce mystère nous touche profondément, nous libère de toutes les forces qui nous enferment ou nous isolent et nous aide à être fidèles à notre consécration et à notre mission.

En tant que disciples missionnaires, nous nous mettons à l’école du Cœur de Jésus qui, dans son humanité, nous révèle le Cœur de Dieu – le Cœur du Bon Pasteur qui sort, s’approche des pauvres, des souffrants et des marginalisés, les invitant à sortir de leur isolement, de leur incommunicabilité, rendus capables de communiquer et de vivre une rencontre de qualité avec Dieu, avec les autres et avec la création. Il s’agit de participer à l’amour qui toujours se communique, qui communique toujours et qui, s’il est reçu par l’être aimé, donne toujours la vie, fait grandir et éduque, dans le sens du latin educere qui signifie faire ressortir le meilleur de l’être humain.

Il est important de noter que cette rencontre avec le Christ met en mouvement un processus de conversion, de formation et de transformation ou, mieux encore, de “Christification” qui dure toute la vie et qui doit toucher le cœur. Le contenu de notre formation initiale et permanente est la sainteté et la transformation de la personne en Jésus-Christ par la double orientation complémentaire de la sequela et de l’imitatio Christi. Par conséquent, la conversion en un autre Christ est pour nous un privilège de la miséricorde et de la grâce de Dieu et, en même temps, une responsabilité qui nous engage à la cohérence de la vie avec la question pressante et incessante : « Qu’auraient fait le Christ et Comboni dans cette situation historique qui est la mienne ? ».

C’est le Christ avec son cœur miséricordieux qui prend l’initiative et vient à nous en demandant à chacun d’entre nous : « Quel est ton nom ? », comme il l’a fait avec l’homme possédé par le démon dans le passage mentionné ci-dessus. Connaître le nom de quelqu’un, selon la mentalité juive, signifie entrer dans les profondeurs de sa réalité personnelle. Cette question montre son intérêt pour nous en tant que personnes aimées par Dieu et nous aide, d’une part, à faire une relecture de ce qui est en nous et autour de nous afin de découvrir ce que nous avons à cœur, qui sommes-nous vraiment et, d’autre part, elle nous montre le Cœur du Christ plein d’amour, de compassion, d’accueil et de tendresse.

Comme Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus, dans le chemin de la formation initiale comme dans celui de la formation permanente, cultiver, approfondir, contextualiser notre spiritualité du Cœur de Jésus reste l’engagement personnel et de notre Institut, afin que toute notre vie adhère de plus en plus au “programme” contenu dans notre nom.

C’est le Christ qui, avec son cœur accueillant, manifeste sa pleine confiance en l’autre, quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve, le valorise et le rend à la communauté, à sa maison, symbole du lieu de l’espoir, de la cordialité et de la chaleur humaine. La vie est faite de communication et de relations de qualité. Saint Daniel Comboni parle de l’Institut « comme d’un Cénacle d’Apôtres, un point lumineux qui envoie autant de rayons qui brillent, réchauffent et révèlent ensemble la nature du Centre dont ils émanent » (cf. Ecrits 2648). L’espoir est que le Cœur de Jésus soit vraiment le centre de communication entre tous les confrères et que nous puissions faire de la communication fraternelle un instrument pour construire des ponts, pour unir et partager la beauté d’être frères en mission à un moment marqué par les contrastes, la division et l’indifférence.

Enfin, en réfléchissant cette année sur le thème de la ministérialité dans l’Institut, prions pour que la contemplation du Cœur de Jésus nous aide à vivre la mission non pas superficiellement comme un rôle à jouer mais comme un service au Royaume de Dieu et comme l’expression d’un processus de kénose et de décentrement. Joyeuse solennité du Sacré-Cœur de Jésus à vous tous !

Le Secrétaire Général de la Formation et le Conseil Général MCCJ

La ministérialité dans le Magistère de l’Eglise

P Steffano
P Steffano

Nous pouvons provisoirement définir le ministère comme la présence transformatrice de l’Église à tous les niveaux et dans toutes les dimensions de la société. Le ministère indique donc un service de l’Église au monde contemporain, par une présence généralisée dans la société, comme le levain dans la pâte, qui la transforme vers l’idéal du Royaume de Dieu. Le ministère dépasse les limites de l’Église pour s’étendre à la société en général, où les chrétiens vivent et expriment leur foi dans leur travail quotidien.

Nous savons comment cette présence dans la société a changé au cours des siècles, tout comme sa conceptualisation dans le Magistère de l’Eglise. Nous sommes passés de modèles séparatistes, qui exprimaient le désir de créer une société alternative, sainte, à une compréhension plus récente d’une Église immergée et incarnée dans le monde, mais pas du monde. Le concept et la pratique de la ministérialité ont également suivi la même voie de transformation. Nous passons du pouvoir au service ; des ministères presque exclusivement axés sur l’Église à l’acceptation que l’action pastorale pour le changement social est plus large que l’Église, au-delà des limites des communautés chrétiennes formelles.

Il va sans dire que dans ce processus de relance de la ministérialité, Vatican II a été une étape importante. L’Église a radicalement changé sa conception d’elle-même, passant de se comprendre comme une forteresse assiégée ou une arche en eaux troubles à une communauté de disciples, un “peuple de Dieu” dans le monde contemporain (cf. Gaudium et Spes). La vision de Vatican II a eu un impact énorme sur tous les ministères de l’Église. L’appartenance à l’Église ne se mesure plus par l’ordination sacerdotale et la soumission aux ministres ordonnés, mais par le baptême. Toutes les formes d’apostolat des laïcs, dans tous les aspects de la vie de l’Église, par tout membre de l’Église – qu’il soit laïc ou ordonné – découlent du baptême et constituent une participation directe à la mission salvatrice de l’Église (Lumen Gentium 33).

Il n’est donc pas surprenant que l’événement de Vatican II et ses conséquences aient vu l’émergence de nouveaux mouvements dans l’Église, tous liés à de nouveaux ministères potentiels : le mouvement liturgique, le mouvement biblique, le mouvement pour la paix et les droits de l’homme, le mouvement œcuménique. À cela s’ajoute l’émergence d’une conscience et d’une compétence totalement nouvelles des laïcs dans la société. Paul VI a étendu les ministères centraux de la Parole (ministère du Lecteur) et de l’Autel (ministère de l’Acolyte) à tous les laïcs, désormais conférés non plus par ordination mais par institution, de manière à les distinguer très nettement du sacrement du sacerdoce (Ministeria Quædam, 1972).

Dans les années troublées qui ont suivi le Concile Vatican II, les mouvements ecclésiaux laïcs ont pris de l’importance, surtout pendant le pontificat de Jean-Paul II. Ils incarnaient l’esprit du Concile, c’est-à-dire la présence des laïcs dans la société, base d’une certaine indépendance vis-à-vis de l’Église traditionnelle et territoriale. Les laïcs ne se regroupent plus, ou pas seulement, en fonction d’un territoire (la paroisse traditionnelle), mais plutôt en fonction d’autres critères tels que la profession, la culture religieuse, la spiritualité. Ces mouvements ont été la présence transformatrice directe de l’Église dans la société, fondée sur l’esprit de Vatican II. Cependant, certains d’entre eux étaient progressistes, ouverts à la nouveauté, dans un dialogue honnête avec le monde contemporain, prêts à l’échange mutuel pour une croissance collective. D’autres, cependant, étaient nostalgiques d’un passé où l’Église était plus présente dans la société en tant que point de référence clair et guide moral. La théologie et la pratique pastorale post-Vatican II n’ont pas réussi à éliminer ou à réduire la tension historique sur les différentes manières dont l’Église est présente dans le monde.

L’avènement du pape François et de son pontificat peut être considéré comme un autre jalon dans le développement d’une nouvelle conscience chrétienne et de la présence de l’Église dans le monde d’aujourd’hui. Certains savants définissent François comme le premier pape véritablement post-Vatican II, en ce sens qu’il a totalement incarné l’esprit et la théologie du Concile. C’était clair dès le début de son pontificat, le soir de son élection, lorsque de la Loge Saint-Pierre, il a demandé au peuple de prier pour lui et de le bénir. C’était un “moment lumineux de Vatican II”, un moment de magistère non pas sous forme écrite, mais dans la vie (M. Faggioli).

Divers aspects de la vie et de l’enseignement de François marquent une nouvelle conscience de l’Eglise sur elle-même et son rôle dans la société. Pour des raisons d’espace, je n’en mentionnerai que quelques-unes.

Le premier est un appel à créer une nouvelle mentalité : d’une expérience unique de Dieu comme Amour à une nouvelle vision de l’Église comme lieu où cet Amour devient visible, inclusif, inconditionnel et miséricorde efficace. Dans une telle Église, on commence à penser “en termes de communauté, à la priorité de la vie de chacun sur l’appropriation des biens par quelques-uns” (Evangelii Gaudium, 188). Une telle attitude conduit nécessairement à “une nouvelle mentalité politique et économique qui aiderait à surmonter la dichotomie absolue entre l’économie et le bien commun social” (Evangelii Gaudium, 205).

La méthodologie proposée par François est “d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces” (Evangelii Gaudium, 223) : la vision et le service sont plus importants que l’affirmation de soi et le pouvoir. Par conséquent, la ministérialité (le service de l’Église à l’humanité) n’est rien d’autre que la mise en œuvre de la vision : une Église avec un système ministériel centré non pas sur le pouvoir qui découle d’un rôle (le sacerdoce) mais sur une façon d’être commune (la vocation baptismale) et sur un chemin commun (déterminé par l’imagination prophétique de l’Église).

Le caractère ministériel exige complémentarité et collaboration. Cela s’exprime bien dans le mot synodalité. Voyager ensemble, “synodalité”, est l’autre caractéristique fondamentale de l’Eglise imaginée par François. Les synodes existaient déjà avant François, mais il leur a donné un nouveau pouvoir et un nouveau rôle, faisant d’eux des événements de véritable communion et de discernement ecclésial (Episcopalis Communio, 2018). Certains disent que la synodalité est le véritable changement de paradigme de son pontificat ; elle est sans aucun doute un élément constitutif de l’Église. Elle appelle à la conversion et à la réforme au sein même de l’Église, pour devenir une Église plus attentive à l’écoute. Elle offre également de nouvelles perspectives pour la société dans son ensemble, “le rêve que la redécouverte de la dignité inviolable des peuples et de la fonction d’autorité en tant que service puisse également aider la société civile à se réaliser dans la justice et la fraternité, et ainsi à réaliser un monde plus beau et plus humain pour les générations futures” (François, Discours lors de la cérémonie commémorant le 50ème anniversaire de la création du Synode des évêques, 2015).

L’ouverture au rêve d’une société nouvelle engage non seulement tout baptisé, mais aussi toute personne de bonne volonté qui désire et agit pour la justice, la paix et la sauvegarde de la création. Le partage de cette soif de justice et la reconnaissance de ce que font déjà les militants sociaux ont été le leitmotiv des messages du pape François aux représentants des mouvements populaires lors de leurs rencontres mondiales (2014-2017). Une fois de plus, François a rappelé l’idée de marcher ensemble (synode), en soutenant la lutte des mouvements populaires. C’est l’image d’une Église synodale et ministérielle, au service de l’humanité, qui reconnaît le ministère de nombreuses personnes de religions, de professions, d’idées, de cultures, de pays, de continents différents, et qui respecte la diversité de chacun. François a utilisé l’image du polyèdre (image également utilisée dans Querida Amazonia, 2020) : elle “reflète la confluence de toutes les partialités qui y maintiennent leur originalité. Rien n’est dissous, rien n’est détruit, rien n’est dominé, tout est intégré” (Message aux mouvements populaires, 2014). C’est le même changement initié par Vatican II, d’une structure pyramidale de l’Église à une structure communautaire, dans laquelle chaque richesse est reconnue et appréciée dans sa diversité.

En résumé, l’idée de ministérialité est basée sur une compréhension claire de l’Église et une pratique identifiable dans, pour et avec le monde, caractérisée par le dialogue, l’ouverture et la volonté de reconnaître, d’apprendre et de marcher ensemble avec toute personne de bonne volonté engagée dans la transformation de la société.
P. Stefano Giudici, mccj