Elle n’a jamais voulu partir. Elle rêvait fonder une famille et vivre à la campagne en Pologne, mais une soirée passée à l’église dominicaine lui a bouleversé la vie. Anna Obyrtacz, missionnaire laïque Combonienne en fin de mission en RCA parle de sa vocation et de sa mission dans la ville de Moungoumba dans la Lobaye auprès des pygmées en qui elle a trouvé Dieu.
La Rédaction (LR) : Bonjour Anna ! Comment avez-vous reçu l’appel à servir le Seigneur comme Laïque Missionnaire Combonienne ?
Anna Obyrtacz (AO): je n’ai jamais pensé à la mission. Cela n’a jamais été mon rêve ou mon désir profond. J’étais une jeune qui aspirait au mariage et à une belle vie à la campagne. Mais le Seigneur étant grand est venu à ma recherche pour m’envoyer dans sa moisson. Moi missionnaire ? Cela m’amuse souvent quand j’y pense, puisque ce n’était pas ma plus profonde aspiration il y’a quelques années en arrière. Maintenant, je peux vous assurer que je ne saurai penser ma vie sans la mission et au quotidien, je me demande toujours où est ce que cette marche à la suite du Seigneur m’amènera.
J’ai étudié à Cracovie en Pologne où j’ai même commencé à travailler. Ma rencontre avec les missionnaires comboniens était un hasard. Pour moi peut-être, mais pas pour Dieu. Cette rencontre s’était faite au mois de mars 2012 dans une communauté des dominicains que je fréquentais. Ce jour les comboniens avaient organisé une adoration.
LR : Et que s’est-il passé ensuite ?
AO : Après mes études supérieures et l’obtention du travail, je vivais tranquillement ma petite vie. Je pensais comme je l’ai déjà dit à fonder une famille. Du coup, j’étais un peu concentré sur mon travail et ma vie de prière, j’entends par vie de prière, la messe, l’eucharistie, la prière quotidienne. Puis un jour, poussé par quoi, je ne saurai le dire, j’ai eu l’inspiration de rejoindre la nouvelle pastorale académique. Cette pastorale dénommé KOMPAS s’occupait essentiellement des jeunes. Sur invitation d’un père Combonien responsable, j’ai rejoins l’équipe pour une retraite spirituelle. Lors de cette retraite, j’ai fait la connaissance de plusieurs personnes, surtout des personnes impliquées dans les activités missionnaires à travers le monde. J’ai pu échanger avec eux sur la mission et sur comment devenir missionnaire. Mais en ce moment, l’esprit d’aller en mission ne m’avait pas encore effleuré la pensée.
LR : Cependant juste après cette première expérience faite à la retraite, vous êtes parti pour l’Afrique. Comment l’expliquez-vous ?
AO : Peu de temps après cette expérience, j’ai commencé à penser à la mission. Les conversations faites avec les missionnaires rencontrées lors de la retraite me revenaient à l’esprit. Fort de cela, je commençais à m’intéresser à la mission. J’ai commencé à faire de nouvelles rencontres, surtout avec les missionnaires. Plus tard, j’ai eu la grâce d’être envoyer en Ouganda pour un mois pour ma première expérience missionnaire, c’était en 2013. En quittant la Pologne, je m’attendais à vivre le pire en Ouganda, mais quelque chose me disait au fond de moi, ça vallait le coup d’essayer.
LR : Quelle a été votre première impression de l’Afrique ?
AO : Je me souviens comme d’un brouillard, qu’il faisait très chaud (rires). Au début, il y’ avait toute une pression, je voulais vraiment bien faire tout ce qu’on me confiait. On avait la passion, le désir, mais la langue constituait notre barrière. Je me souviens du visage des enfants de l’orphelinat où on travaillait, ils avaient envie de nous parler, mais vu qu’on ne parlait qu’anglais, et eux leurs langues locales, c’était un peu difficile. Et donc à défaut de communiquer, on restait là avec eux sans mots, juste comme ça et cela nous touchait énormément.
Après un mois passé en Ouganda, je suis rentré en Pologne où j’ai regagné les laïques missionnaires comboniens afin de discerner ma vocation, soit d’être : missionnaire en Afrique ? Dans mon propre pays ? Travailler ? Me marier ? …
LR : Vous vous êtes battu avec ces pensées pendant longtemps ?
AO : Dans la vie parfois la monotonie nous amène à vouloir changer notre mode de vie. Du coup, je devrais prendre le temps nécessaire pour discerner ce que je ressentais. A cet effet, sur accord des responsables, j’ai été à la retraite ignacienne chez les Jésuite à ZAKOPANE. Un moment de seul à seul avec soi-même et avec le Seigneur. Pendant ces précieux jours passés chez les Jésuites, le Seigneur a répondu à toutes mes inquiétudes et il m’a également posé des questions, mais je lui faisais confiance. A un moment donné de notre vie, nous devons apprendre à devenir « aveugle » et à laisser le Seigneur nous guider. En polonais on dit : « aller dans le noir ». Décider d’aller dans le noir et laisser Jésus nous guider.
Un autre aspect important dans ma vocation, c’est le soutien de ma famille. Elle m’a beaucoup soutenu dans mes débuts et pendant mes expériences missionnaires. Je prie le Seigneur de les bénir et de les combler de paix.
LR : Pourquoi l’Afrique et la République Centrafricaine ?
AO : pour les Comboniens, l’Afrique est une terre si spéciale. Notre fondateur a commencé sa mission en Afrique et il aimait beaucoup ce continent. A l’époque, on avait plusieurs options : le Mozambique, l’Ethiopie et la RCA. La RCA était présenté comme un pays post conflit, pas du tout stable et beaucoup craignaient d’y aller. Tout portait à croire que la mission en RCA allait être un sacerdoce : les pauvres, la guerre, l’insécurité etc. Ce qui inquiétait le plus, c’est le français (rires). Je ne l’avais jamais étudié, vous voyez ? (rires). Mais j’ai pris mon courage à deux mains pour venir, surtout venir à l’exemple de Comboni pour servir les pauvres. Je puis vous dire aujourd’hui avec beaucoup de sincérité, que la Centrafrique est un merveilleux pays. Je reviendrai ici, ici en RCA mon second pays.
LR : Comment avez-vous préparé votre départ pour Bangui, en dépit de votre petite connaissance en français ?
AO : c’était bien. J’ai officiellement rejoint la communauté des laïc missionnaires comboniens, Le 12 JUIN 2015 à Varsovie avant mon départ pour le Congo RDC où je devrais apprendre le français. Puis la messe de l’envoie en mission présidée dans ma paroisse Saint Jean Baptiste à Orakwa à l’occasion de la fête du sacré – cœur de Jésus par Mgr Grzegorz Rys. Arrivée au Congo (RDC) où j’ai passé 4mois, j’ai été reçu par une consœur congolaise du nom d’Irène. Elle m’a aidé à comprendre la mentalité africaine, surtout celle de l’Afrique centrale. C’était un moment fantastique, puisque j’y étais seulement pour l’apprentissage de la langue. Le jour de mon départ pour Bangui, Irène m’a conseillé en ces termes : « souviens-toi que tu as été envoyé à ces gens, essaie de les comprendre et de les aimer. Partage ce que tu as avec eux alors tu connaitras le bonheur ».
LR : Quelles ont été les premières difficultés après votre arrivée en RCA ?
AO : De Kinshasa où je vivais comme en Europe, je me suis retrouvé dans un buisson sans accès à internet, à l’électricité et à l’eau chaude (rires). Ce premier mois a été difficile. Difficile parce que je n’avais pas beaucoup d’amis, je devrais tout refaire à zéro. Et je suis heureuse d’avoir réussi à aller au delà des amitiés, je me suis fait une famille.
LR : Quel a été votre ministère à Moungoumba ?
AO : la communauté des laïcs de Moungoumba est composé deux quatre laïcs : un italien, deux portugaises et moi une polonaise. Nous prenions les décisions ensemble sur notre façon de vivre et sur comment aider la population. A moungoumba les laïcs s’occupent de l’éducation, des pygmées et aussi de la santé. En ce qui me concerne, je travaillais au dispensaire. Concrètement, je soignais les pygmées prioritairement, puis les enfants souffrant de malnutrition. De temps en temps, nous organisons les séances de formation à l’intention des personnels soignants etc.
LR : c’est une mission unique à cause des pygmées qui y vivent. Comment aidez-vous cette minorité ?
AO : les pygmées occupent une place particulière dans toutes nos activités. Ils sont prioritaires. Ils ne sont pas trop considérés dans cette partie de la RCA. Ce sont ces types de personnes que notre fondateur souhaitait rencontré et servir. Mais travailler avec eux n’est pas aussi facile que ça, car ce sont des personnes très libres, qui n’aiment pas beaucoup être enfermé dans certains cadres par exemple. Petit à petit, nous leurs avons appris à écrire et à lire, à avoir une bonne hygiène de base, à éviter les maladies dues à la saleté etc. Nous avons essayé de leur montrer une autre manière de vivre, vivre en étant indépendant, vivre en sachant gérer le peu d’argent qu’ils ont.
LR : Quels sont les besoins dans ce terrain ? Quels sont les principaux problèmes qui affectent la République centrafricaine et ses habitants ?
AO : ce dont la RCA a le plus besoin, c’est la paix. La paix dans les rues, la paix dans les cœurs, la paix dans les villes. Les gens veulent vivre sans crainte, élever leurs enfants, aller au travail, cultiver. Le gouvernement doit ménager aucun effort pour garantir la sécurité de cette population qui n’aspire qu’à vivre en paix. Un autre défi de la RCA, c’est l’éducation et la création des entreprises. Les jeunes doivent bien étudier, dans de très bonnes conditions et aussi trouver des opportunités d’emploi à la fin de ces études.
LR : Quelles sont les menaces du service missionnaire dans cette région ?
AO : en ce qui concerne Moungoumba, nous étions en sécurité, dans une zone très sûre où rien ne nous dérangeait. Toutefois la RCA est très vaste et il existe encore des zones où les gens se cachent, vivent en danger constant où le conflit armé est ouvert. La seule menace c’est peut-être la maladie. Les médicaments sont bien sûrs disponible, mais vous ne savez jamais là où elle peut vous amener. Mais Dieu nous protège toujours.
LR : quelle invitation avez-vous à adresser au monde en faveur de la RCA ?
AO : j’invite les uns et les autres à soutenir la RCA à travers la prière et surtout les aides concrètes. Je veux dire des aides en termes de projets, d’accompagnement financier etc. j’invite les autres laïcs et missionnaires à venir dans ce beau pays.
LR : Anna qu’est-ce que la mission en RCA vous a personnellement donnée ?
AO : j’ai appris encore à plus m’ouvrir à d’autres personnes, très souvent différentes de moi et élevée dans une culture différente. Vivre sobrement dans l’humilité en se contentant des moyens de bords que nous avons est l’une des belles expériences que j’ai eues. Cette expérience m’a aussi montré que quand on quitte notre famille biologique, Dieu nous en donne une autre.
LR : Quels sont vos projets pour le futur proche ?
AO : Après les vacances en Pologne, je me rendrai au Canada pour trois ans afin de suivre une formation en psychologie. C’est un programme préparé pour les missionnaires. Et comme je l’ai dit ci-haut, si Dieu me garde en vie, je reviendrai en RCA pour apporter une aide psychologique plus spécialisée aux personnes qui ont vécu des expériences de guerre traumatisantes et plus encore. Une fois de retour en RCA, je donnerai plus d’espoir à ceux qui ont été blessés et abandonnés.
Propos recueillis par Eustache Michael Mounzatela