Laïcs Missionnaries Comboniens

L’évolution historique de l’Institut des Missionnaires Comboniens

LOGO 150 aniversario MCCJ«La vie de Daniel Comboni (1831-1881) – écrit le Père P. Fidel González Fernández, missionnaire combonien – a une unité de fond claire où se croisent de différents aspects. Mais dans cette note historique nous voulons arrêter notre attention sur Comboni comme fondateur “d’instituts missionnaires” dans le contexte des Instituts missionnaires qui dépendaient de Propaganda Fide. Comboni fonda deux instituts missionnaires: un Séminaire ou Institut missionnaire pour les Missions Africaines (1867) et l’Institut des “Pieuses Mères de la Nigritie” (1872), qui rentre dans l’histoire des “nouveaux instituts” de vie consacrée qui au cours du dix-neuvième siècle ont une histoire spéciale de renouvellement. Dans l’évolution historique de l’Institut des Missionnaires Comboniens nous pouvons repérer clairement trois phases.»

L’INSTITUT COMBONIEN POUR LES MISSIONS AFRICAINES DANS SA PREMIERE ETAPE “SECULIERE”

(Première partie)

  1. L’histoire de la mission et des instituts missionnaires sous Propaganda Fide

L’histoire de l’évangélisation commence le jour même de la Pentecôte et se développe progressivement en de nouvelles formes dans l’histoire de l’Eglise[1]. Au cours des premiers siècles le christianisme se répandit “d’expérience à expérience” (Ratzinger) et seulement à partir du IV siècle il prendra des formes missionnaires qui “s’organisent” progressivement. A l’âge moderne, l’évangélisation assume des formes, des modalités et une extension nouvelles. Nous trouvons, en effet, consacrés à l’œuvre de l’évangélisation parmi les peuples non chrétiens, des ordres religieux anciens et de nouveaux instituts qui commencent à être appelés “instituts missionnaires ad gentes”. Le nom et l’idée de “institut missionnaire» sont relativement modernes dans l’histoire de l’Eglise, ainsi que le terme “mission”. Ils ont été introduits après la fondation de Propaganda Fide (1622), dans le sens d’envoyés de la part du Pape dans n’importe quelle partie du monde (les Jésuites et ensuite les Lazaristes, Congregatio Missionum, 1625) pour des œuvres apostoliques au milieu des catholiques, non-catholiques et des non chrétiens (“l’évangélisation des peuples ou ad gentes”).

Joseph Ratzinger, dans une des dernières pages de son livre Jésus de Nazareth, où on parle de la “venue intermédiaire du Seigneur” (entre Bethléem et la Gloire définitive), écrit que cette “venue” assume beaucoup de modalités, mais il y en a qui “font époque”. Il se réfère à l’impact de quelques figures à travers lesquelles le Christ agit dans l’histoire. L’Esprit Saint, à travers de telles figures, suscite dans l’Eglise des mouvements qui témoignent de la beauté d’être chrétiens dans des périodes où la fatigue de la foi devient une sorte de pandémie généralisée. Il en fut ainsi dans l’histoire missionnaire moderne. En réfléchissant sur l’histoire missionnaire ad gentes de l’Eglise à l’époque missionnaire inaugurée avec la fondation de Propaganda Fide, on peut signaler de nombreuses figures missionnaires charismatiques qui ont réalisé cette œuvre missionnaire ad gentes. En fondant la Congrégation de Propaganda Fide, le Pape lui avait confié la mission de constituer des ministres nécessaires “pour enseigner l’Evangile et la Doctrine catholique dans toutes les missions”. Ne pouvant pas avoir de missionnaires propres à elle, la Congrégation fut obligée de recourir aux anciens Ordres religieux. Et seulement après avoir rencontré de grandes difficultés dans cet appel, Propaganda Fide appuie la naissance de nouvelles institutions missionnaires sous sa juridiction. Commence ainsi l’histoire des Instituts missionnaires “ad gentes”.

Propaganda Fide, d’une part, voyait les avantages que les anciens Ordres religieux offraient aux missions, mais en même temps elle en reconnaissait aussi les inconvénients. Ces deux aspects sont soulignés dans une relation du secrétaire de Propaganda, Alberizi, du 4 novembre 1657, où il dit qu’une “perversion des buts fait que les religieux cherchent d’abord la gloire de leur propre institut, convaincus qu’ils sont en train de travailler pour la gloire de Dieu”. D’autres inconvénients signalés sont les luttes entre les différents Ordres religieux, le peu d’importance accordée à la création d’un clergé indigène ou le fait qu’ils ne lui faisaient pas suffisamment de confiance, et leur opposition à la nomination d’évêques dans les missions. Ils manifestaient la tendance à “se perpétuer” dans les territoires à travers un monopole dans ces mêmes territoires. Alberizi faisait aussi une référence aux raisons du manque de résultats dans l’évangélisation, ainsi qu’aux dégâts dus au monopole de certains Ordres et au contrôle de l’activité missionnaire de la part de certaines entités politiques auxquelles souvent étaient liés les missionnaires eux-mêmes.

La relation terminait avec une référence directe à la fondation récente du Séminaire pour les Missions Etrangères de Paris (MEP) et au Collège Urbain de Propaganda à Rome. On se trouvait ainsi devant une nouvelle réalité dans la vie de l’Eglise: celle des Instituts missionnaires “séculiers”[2]. C’est ici que, dans le temps, va s’insérer l’initiative de plusieurs missionnaires, parmi lesquels Daniele Comboni, de fonder des Séminaires Missionnaires ou des Instituts (les termes manquent encore de précision et la figure juridique de ces fondations recevra une physionomie plus claire seulement vers la fin du XIX siècle). Au dix-neuvième siècle on ne pouvait pas fonder d’autres Ordres religieux sur le modèle des anciens, parce que cela n’était pas permis soit du point de vue canonique soit de celui des lois libérales de l’époque. Avec la Révolution française nous sommes au début d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’Eglise et de la vie consacrée apostolique. L’histoire missionnaire de l’Eglise traversait depuis un certain temps une crise profonde et beaucoup d’institutions ecclésiales vivaient une décadence nette (certaines mêmes disparaissent), mais surgiront de nouvelles fondations apostoliques, encore à la recherche d’une identité juridique propre.

L’écroulement de l’Ancien Régime et la fin de l’ancienne société des “états” sociaux, suivis par l’instauration de la nouvelle société libérale des “classes” sociales et des unités politiques nationales emportent l’ancien ordre culturel, social et politique et aussi celui ecclésiastique. Dans cette société dominée par le libéralisme, dans l’Eglise beaucoup des vielles structures ecclésiastiques dépérissent ou même sont emportées par l’idéologie dominante. La vie des anciens Ordres est ballottée entre la possibilité de l’extinction et, dans quelques cas, de la restauration. Mais il faut éviter d’indiquer comme unique responsable de cet état de choses l’Etat libéral. De nombreux Ordres depuis longtemps se trouvaient dans une situation de déchéance interne. Le Saint Siège poursuivait – souvent avec de la peine – leur restauration en proposant des lois et des normes inefficaces. De ces Ordres religieux anciens peu sont ceux qui survivent: ce sont ceux qui ont découvert à nouveau la force de leur propre charisme avec un retour à la primitiva instituti inspiratio. De nouvelles réalités ecclésiales naissent quand même, qui apparaissent aussi dans l’histoire missionnaire.

2. Contexte du nouveau mouvement missionnaire

Sur le terrain de l’activité missionnaire de l’Eglise, il faut se rendre compte de l’état de désastre de l’activité missionnaire ad gentes à l’époque de la Révolution française. Suite à la suppression des Jésuites (1773), l’abandon obligé de leurs missions avait constitué une véritable catastrophe pour l’activité missionnaire. L’historien des missions Joseph Schmidlin fait remarquer qu’aux débuts des années 1800, les missionnaires présents dans tout le monde non catholique ne dépassaient pas les 300 personnes (y compris ceux qui travaillaient dans les Pays protestants). Le symbole de cette décadence fut la suppression du Dicastère de Propaganda Fide par le Directoire français (le 15 mars 1798), qui le qualifia comme “établissement fort inutile”. Napoléon en autorisa encore l’existence, mais pour le mettre au service de ses intérêts. Cette mentalité dominera dans toutes les puissances coloniales des dix-neuvième et vingtième siècles. La vie de ce Dicastère, malgré sa réorganisation suite au travail de Pie VII en 1817, traîne jusqu’aux temps de Grégoire XVI. Ce sera à partir de ces années laborieuses qu’il y aura un réveil de la dimension missionnaire ad gentes dans quelques cercles missionnaires.

Dans ce réveil missionnaire il faut signaler un mouvement généralisé de renouveau chrétien face à la mentalité de la culture illuministe avant, et de celle libérale-positiviste ensuite. Il y en a qui voient l’urgence de l’activité missionnaire comme un impératif de la “Caritas Cordis Christi”. C’est dans cette perspective qu’il faut voir la naissance des œuvres en faveur des missions. Parmi les protagonistes les plus connus du mouvement missionnaire nous pouvons rappeler l’Institut des Missions Etrangères de Paris et les fondateurs des “instituts séculiers” missionnaires.

  1. Les différentes phases de l’évolution historique de l’Institut combonien

Dans le mouvement missionnaire du dix-neuvième siècle, une de ses parties spécifiques adresse son attention vers les peuples noirs de l’Afrique. Dans ce mouvement missionnaire se situe aussi l’histoire tourmentée de la Mission de l’Afrique Centrale et l’activité de fondation de Comboni. Dans cette histoire, le jeune missionnaire Daniel Comboni a occupé une place de plus en plus significative. Son parcours de formation l’a aidé dans le processus de sa maturité apostolique. Sa vocation définitive en faveur de l’évangélisation de ces peuples et la genèse de sa vocation comme fondateur d’un séminaire missionnaire pour les Missions Africaines, qui atteignit son moment charismatique le plus significatif avec la proposition du “Plan pour la régénération de l’Afrique” (1864), a déjà été abondamment étudié par l’historiographie combonienne récente[3]. La vie de Daniel Comboni (1831-1881) a une unité de fond claire où se croisent de différents aspects. Mais dans cette note historique nous voulons arrêter notre attention sur Comboni comme fondateur “d’instituts missionnaires” dans le contexte des Instituts missionnaires qui dépendaient de Propaganda Fide. Comboni fonda deux instituts missionnaires: un Séminaire ou Institut missionnaire pour les Missions Africaines (1867) et l’Institut des “Pieuses Mères de la Nigritie” (1872), qui rentre dans l’histoire des “nouveaux instituts” de vie consacrée qui au cours du dix-neuvième siècle ont une histoire spéciale de renouvellement[4].

Dans l’évolution historique de l’Institut des Missionnaires Comboniens nous pouvons repérer clairement trois phases.

La première phase est celle où l’Institut commence comme un simple Séminaire des Missions pour l’Afrique et donc avec une finalité bien concrète, l’évangélisation, en syntonie avec des expériences semblables déjà connues dans l’Eglise à partir du XVII siècle. Les membres étaient des prêtres séculiers ou des candidats au sacerdoce, auxquels se sont ajoutés, dès les débuts, quelques membres Laïcs. Dans les documents à notre disposition il n’apparaît pas qu’aux débuts ils avaient des liens de vœux religieux. Nous trouvons seulement un engagement par lequel le candidat pour les missions africaines promettait de vivre selon la ‘finalité’ du séminaire, en obéissance aux supérieurs légitimes, et il recevait la ‘reconnaissance’ de missionnaire apostolique, que Propaganda Fide donnait aux missionnaires qui travaillaient sous son guide. Dans cette phase on souligne le caractère de prêtres séculiers de ses membres. Ces derniers restent liés, d’une manière ou de l’autre, à leurs diocèses d’origine, qui normalement les présentaient ou au moins les recommandaient pour l’activité missionnaire. L’autorité suprême de l’Institut est “le Souverain Pontife et la Congrégation de Propaganda Fide … Le supérieur immédiat est l’évêque de Vérone qui est représenté par un Recteur choisi normalement parmi les Missionnaires-mêmes membres de l’Institut Fondamental, déjà expérimentés dans l’exercice de l’Apostolat Africain”. “L’évêque de Vérone est aidé dans l’exercice de ses fonctions par un corps présidé par lui-même, composé par des ecclésiastiques et des laïcs, sages et distingués, de son diocèse. Ce corps s’appelle Conseil Central de l’œuvre pour la Régénération de la Nigritie”[5]. En partie, ces Règles manifestent la dynamique juridique de celles du MEP, mais avec des modifications importantes qui concernent l’autorité, de fait fondamental, de l’Evêque de Vérone et du conseil qu’il choisit. “L’évêque de Vérone a érigé canoniquement ce séminaire sur la demande du prêtre missionnaire apostolique Daniele Comboni” en 1867. Le Séminaire des Missions Africaines de Vérone naît ainsi et restera ainsi, avec une existence plutôt précaire, jusqu’à la fin de 1871[6].

A partir de cette année-là, une physionomie plus précise se profile pour ce séminaire missionnaire pour les Missions Africaines et plus concrètement pour la Mission de l’Afrique Centrale, un territoire très vaste et avec des limites encore incertaines. Comboni avait déjà fait une expérience de responsabilité d’une œuvre missionnaire au Caire, que lui-même avait fondée en 1868. Il se rend compte qu’un séminaire pour les Missions Africaines ne suffit pas, sans une structure juridique qui soit déterminée plus spécifiquement. Certaines expériences douloureuses lui ont appris cela. La vie commune et l’activité missionnaire exigeaient une plus grande cohésion parmi ses missionnaires et un engagement formel plus décidé.

Nous entrons ainsi dans une deuxième phase de cette histoire. Comboni commence à écrire les Règles de son Institut et il en recherche l’approbation de la part de Propaganda. Il faut remarquer qu’avec le terme Institut on n’indique pas ce qu’il signifie dans notre langage actuel[7].

Dans cette deuxième phase nous voyons que de la part des membres du jeune institut on exige un lien canonique plus spécifique mais, toujours selon les “Règle de 1871-1872” que Propaganda Fide n’a jamais approuvées, il manque toujours cette précision juridique demandée jusqu’à ce moment-là par les institutions ecclésiastiques de droit public. Aussi le langage et les normes donnés, même s’ils puisent dans la terminologie de la vie religieuse classique, des termes tels que noviciat et d’autres, restent encore peu précis. Il s’agit de Règles exhortatives, juridiquement génériques, et qui pour cela ne seront jamais approuvées. La période de préparation à la mission africaine devait être passée à Vérone ou au Caire. On n’émettait pas de vœux de religion – il paraît même pas en forme privée – mais il existait un lien de serment de consécration “in perpetuo” à la mission africaine, d’obéissance aux supérieurs légitimes avec un lien de dépendance de son supérieur ecclésiastique propre. On parle explicitement du Dicastère de Propaganda Fide et de l’évêque de Vérone, mais il manque une physionomie juridique claire et précise. Les Règles de l’Institut présentent des caractères de radicalité (ils consacrent leurs œuvres et, si nécessaire, aussi leur vie…), mais là aussi on ne précise pas beaucoup leur contenu. Dans l’introduction Comboni écrit: “Les Règles d’un Institut dont le but est de former des apôtres pour des nations barbares et infidèles, si l’on veut qu’elles soient durables, doivent reposer sur des principes généraux…” et tout de suite après il en explique la raison: “Trop détaillées, elles risqueraient d’être, tôt ou tard, en raison de la nécessité ou d’un désir de changement quelconque, minées dans leur fondement même, se transformant en un carcan désagréable et un lourd fardeau pour celui qui aurait à les mettre en pratique. En outre, étant donné que le champ ou le candidat va déployer son action est vaste et varié, celui-ci ne saurait être réduit à des tâches bien déterminées, comme cela se passe dans les Ordres religieux. Ce sont toujours ces principes généraux qui doivent modeler son esprit et son cœur en sorte qu’il puisse s’autodéterminer, en les appliquant avec perspicacité et jugement, en fonction des temps, lieux et circonstances très variées ou sa vocation le place. Afin d’atteindre le but que se propose le nouvel Institut des Missions pour la Nigritie, que l’on établisse seulement les principes fondamentaux qui en constituent le vrai caractère et qui servent aux candidats comme norme de jugement avec pleine uniformité et avec une égalité d’esprit et de conduite extérieure telle qu’elle les fasse reconnaître comme les membres d’une même famille[8].

A ce moment, les membres de l’Institut sont déjà définis comme des ‘ecclésiastiques et des Laïcs’ consacrés pour la mission[9]. Dans le texte des Règles de 1871 on disait que “L’Institut, c’est-à-dire le Collège des Missions pour l’Afrique, est une association d’Ecclésiastiques et de Frères Coadjuteurs qui sans les liens des vœux religieux… se consacrent à la conversion de l’Afrique[10]. Les “Règles et l’organisation de l’Institut des Missions pour la Nigritie à Vérone” de 1872 sont un texte, réduit et revu par Comboni même, de ses “Règles” de 1871[11]. Le texte de cette nouvelle édition des “Règles” fait partie des documents insérés dans la “Ponenza” cardinalice à Propaganda de 1872, qui détermina la nomination de Comboni comme Pro-vicaire et la décision de confier la Mission de l’Afrique Centrale à l’institut qu’il avait fondé à Vérone et au Caire. Il est dit que: “L’Institut pour les Missions de la Nigritie est une association libre et séculière d’Ecclésiastiques et de Laïcs, qui consacrent leurs œuvres et, si nécessaire, aussi leur vie pour la conversion des pauvres Noirs païens de l’Afrique Centrale, sous la dépendance des supérieurs légitimes et les normes de ces Règles[12].

De 1872 à la mort de Comboni, la physionomie de l’Institut continuera petit à petit à mieux se définir, soit dans l’esprit de Comboni soit chez les autres membres. Comboni cherchait une approbation canonique définitive de la part de Propaganda: mais quel type d’association avait-il dans son esprit? Quelle physionomie juridique voulait-il? Il ne s’agissait pas d’une congrégation religieuse avec des vœux simples dans le sens moderne, mais non plus – nous semble-t-il – dans le sens des congrégations ou des compagnies déjà existantes et juridiquement approuvées par l’Eglise dès le XIV siècle, telle que par ex. les Prêtres de la Mission, et, plus tard, des congrégations avec des liens de vœux simples comme les Rédemptoristes et les Passionistes. Il s’agissait alors d’une sorte de “société apostolique” composée par des prêtres et des laïcs consacrés pour la Mission tel que le MEP ou d’autres fondations semblables?[13] A partir des documents comboniens, il nous semble que celle-ci pouvait être la tendance de Comboni. Mais sa mort prématurée tranche les choses, sans éclaircir juridiquement la question. Le développement de la phase qui suivra n’appartient plus à l’action de Comboni. Mais nous devons dire que tout en n’étant pas des religieux dans la modalité juridique classique, Comboni exigeait de ses missionnaires la radicalité de vie évangélique qui est la caractéristique des consacrés, ce qui est un aspect que nous trouvons aussi dans d’autres sociétés apostoliques semblables de la même époque. Est-ce qu’il avait pensé à la transformation de son Institut dans une congrégation religieuse formelle dans le sens que cette expression assumera plus tard? Les documents que nous avons n’aident pas beaucoup à donner une réponse certaine, aussi parce que l’objet de l’histoire sont les faits réels et non pas les intentions. Ce que certainement il voulait, c’était de mettre en mouvement une compagnie de missionnaires consacrés de manière radicale au Christ et à son Eglise en faveur de la mission africaine, avec toutes les caractéristiques d’une vie consacrée, suivant les traces d’expériences semblables déjà reconnues par l’Eglise ou en voie d’être reconnues.

On pourra peut-être dire que, entre 1871 et 1881, année de la mort de Comboni, le Séminaire ou l’Institut Missionnaire Africain qu’il avait fondé évolue formellement dans la recherche juridique de sa physionomie propre comme “association d’Ecclésiastiques et de Laïcs” consacrés à la Mission, liés par des liens solides d’appartenance et de stabilité (“consécration” d’abord ad decemnium, selon les Règles préparées par Comboni en 1872, mais qui laissent la porte ouverte à la perpétuité de la consécration, et ensuite déjà explicitement “in perpetuo”, comme le dit le serment rédigé par Comboni pour les Frères Laïcs). Dans son développement logique, cela aurait conduit à la formation d’une societas stable d’une vie commune et apostolique. Toute semence a son temps propre de développement et de croissance. Et cela est arrivé aussi dans le cas combonien, même si la mort de Comboni déclencha une autre phase, avec des problématiques tout à fait particulières.
P. Fidel Gonzalez, mccj

La deuxième partie de cet article paraitra sur Familia Comboniana du mois de mars.

[1] Cf. Fidel González, I movimenti nella storia della Chiesa dagli Apostoli ad oggi, Rizzoli, 2000.

[2] Le terme “séculier” jusqu’à la fin du vingtième siècle comprend toutes les formes de vie apostolique qui n’étaient pas considérées juridiquement “religieuses” comme les moines, les frères, et similaires. Les “congrégations” fondées à partir du XVI siècle sont considérées généralement “séculières”.

[3] Cf. Congregatio De Causis Sanctorum, Danielis Comboni. Positio super vitae et virtutibus… (Elle sera maintenant citée comme D.C. Positio), 2 voll. Romae 1988. Fondamentaux sont les livres de P. Chiocchetta et A. Gilli; de F. González, Daniel Comboni, Profeta y Apostol de Africa, Mundo Negro, Madrid 1985; Idem, Comboni en el corazón de la Misión Africana. El Movimiento misionero y la Obra comboniana:1846-1910, Madrid 1993.

[4] Le dix-neuvième siècle catholique se caractérise par le protagonisme de la femme dans la vie ecclésiale avec la fondation de nombreux “nouveaux instituts” féminins (hors des limites de la vie monacale, mais aussi par rapport aux “instituts séculiers”) qui embrassent tous les domaines de l’émargination sociale et de l’activité missionnaire. Ces nouvelles fondations porteront à une “révolution” dans le domaine du droit des religieuses ou de la vie consacrée.

[5] Regole del 1871, cap. II, en D. Comboni, Scritti, 2650-2652.

[6] Cf. Décret diocésain de l’évêque de Vérone, Magno sane perfundimur gaudio, en ACR, sect. A, c. 25/14 (kalendis Iunii [1 juin] an. 1867. Programme et Statuts de l’Œuvre du Bon Pasteur, en ACR, sect. A, c. 25/14; Lettre Bonus Pastor de l’évêque de Vérone aux évêques d’Italie (6 mars 1868),en ACR, sect. A, c. 25/14; Décret de l’évêque de Vérone avec l’érection canonique du nouvel Institut du 8.XII.1871, en ACR, sect. A, c. 25/20: en A. Gilli, L’Istituto Missionario Comboniano dalla fondazione alla morte di Daniele Comboni, pp. 359-378. Suivent d’autres lettres de l’Evêque à Pie IX et au Card. Préfet de P.F. et d’autres documents relatifs à ce thème.

[7] Par “Institut” on comprend une entité de droit public ou privé, constituée sur la base d’exigences d’organisation et d’objectifs déterminés: ecclésiastique (religieux, missionnaire), hospitalier, éducatif, etc., institué selon des lois précises et des normes pour une fin déterminée d’intérêt public. “Congrégation” (de congregare, litt. “réunir dans un troupeau”), dans le monde ecclésiastique catholique est un groupe de personnes réunies pour des raisons religieuses ou laïques. Dans l’histoire de la vie religieuse le terme a eu plusieurs significations; l’une d’elles, après le siècle XIX, se réfère à “Institut” de vie consacrée avec des liens des vœux simples; mais il ne s’agit pas d’un terme univoque.

[8] D. Comboni, Regole dell’Istituto delle Missioni per la Nigrizia. Texte du 1871, en P. Chiocchetta, Daniele Comboni: Carte per l’Evangelizzazione dell’Africa, EMI, Bologna 1978, pp. 250-251.

[9] Regole (1872), cap. I, 1, ibidem, p. 276.

[10] Regole (1871), cap. I, ibidem, p. 252.

[11] Cf. D. Comboni, Regole (1871), cap. I-II, en P. Chiocchetta, Daniele Comboni: Carte per l’evangelizzazione dell’Africa, pp. 249-275.

[12] Regole (1872), texte en P. Chiocchetta, Carte per l’evangelizzazione dell’Africa…, o.c., p. 276, et en A. Gilli, L’Istituto Missionario Comboniano dalla fondazione alla morte di Daniele Comboni, pp. 359-378.

[13] Nées, nous l’avons déjà dit, après qu’on eut, avec la Révolution française, la disparition presque totale de la vie religieuse organisée.

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